Est-ce qu'on apprend pas un peu comme par magie ?
Cette semaine, c'est en venant à bout du paramétrage de la DSN sous Sage Business Cloud Paie que Dada se demande comment ça marche quand on essaie d'apprendre de nouvelles choses.
Apprendre.
C’est un mot que j’aime beaucoup.
Il sonne en 2 temps : à-prendre.
Qu’ai-je à prendre là-dedans, dans ce qu’on me propose d’apprendre justement ?
Il chantonne aussi sur un vieil air latin, convoquant ses racines lointaines : apprehendere pour dire “prendre, saisir, attraper”.
Apprendre n’est pas simple.
Apprendre est une lutte. Un combat. Mais du genre de combat qu’on ne peut gagner que si l’on capitule d’entrée de jeu.
Car ce “Là”, posé en face de moi que je veux, que j’ai envie, que j’ai besoin d’apprendre, n’en a que faire précisément de ma volonté, de mon envie, de mon besoin.
Il mène sa petite vie sans se soucier de mes velléités et de mes tentatives répétées pour arriver à le maîtriser.
Car en réalité, on n’apprend pas comme on conquiert, à la hussarde, juste parce qu’on le veut et l’ordonne.
A bien y regarder en effet, je n’apprends jamais aussi bien que quand je fais l’effort de comprendre, que j’empathise avec mon sujet.
Mais est-ce vraiment juste de parler d'effort ?
Est-ce qu'au contraire il n'est pas plutôt question de lâcher prise ?
De laisser justement le sujet d'apprentissage être sujet : maître en son propre monde, avec ses propres règles, ses propres raisons d’être comme ceci ou comme cela, même si le pourquoi nous échappe de prime abord.
A la rigueur, peu importe le pourquoi.
Du moins dans un premier temps.
Je crois que pour se donner des chances d'apprendre, il ne faut chercher à comprendre, ni comment, ni pourquoi, cela marche comme Ci ou comme Ça.
Il faut accepter l’ipséité de ce Ci ou de ce Çà que l’on a besoin d’apprendre, d’appréhender et commencer par mettre les pieds dans le plat ou la main à la patte sans se faire trop de nœuds au cerveau.
On dit bien que c'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Comme si tout cela vibrait d’une énergie qui se lit dans le mouvement.
Mouvement du corps qui apprend à se mouvoir précisément en marchant ; mouvement de l’esprit qui apprend précisément à penser en pensant.
Saviez-vous que les neurones sont apparus justement avec la nécessité vitale de se mouvoir ?
On n’a pas besoin du cerveau pour marcher ; on a besoin de marcher pour développer un cerveau.
Tout ce qui se meut est en effet doté d’un réseau neuronal, alors que ce qui est fixe au royaume du vivant – typiquement les belles plantes que seul fait se mouvoir le vent - n'a pas de neurones.
Pas parce qu’une belle plante c’est bête, mais parce qu’une belle plante n’en a pas besoin puisqu’elle ne se déplace pas. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas dotée de cognition, mais ça c’est un autre sujet.
Revenons à notre cerveau.
Je ne sais pas pour vous, mais plus je tourne autour d'un sujet pour essayer d’en percer les mystères à partir de mon propre referentiel, plus je me fatigue à ne rien y comprendre.
Dès lors que je m’oublie, que je mets mon cerveau littéralement sur pause, que je me laisse aller à une espèce de flow, quelque chose de magique à tendance à se passer : c'est comme si je ne voyais plus la situation avec mes repères et critères à moi, mais avec ceux de ce truc-là ou de cet autre-là que je cherche à apprendre. Je me mets à marcher comme si je chaussais ses pompes, à cet autre-là, et du coup, ça marche, je commence à piger le truc.
Je suis enfin capable d’utiliser, de faire avec, de me saisir de ce qui me résistait encore il y a peu.
Pourtant, la chose apprise n’a pas changé dans le processus.
D’autant moins que, souvent, on cherche à apprendre à se servir d’outils ou d’objets.
Comme par exemple, une voiture, pour laquelle il m'a fallu 4 échecs au permis de conduire avant d’arriver enfin à la faire se mouvoir comme il fallait.
Ou encore le paramétrage de la DSN (Déclaration Sociale Nominative, un truc obligatoire à faire, chaque mois, quand tu as des salariés) dans le logiciel Sage Business Cloud Paie pour dépanner mon frérot qui y comprenait encore moins que moi…
…Surtout quand le truc clignotait avec une quinzaine d’anomalies bloquantes du type “vous avez renseigné une cotisation Prévoyance dont l'identifiant technique d'affiliation, renseigné en rubrique S21.G00.78.005, ne correspond pas à l'affiliation Prévoyance, renseignée en rubrique S21.G00.70.012, relative au contrat de travail pour lequel un versement individu est déclaré "parent" de la dite cotisation Prévoyance. Ceci n'est pas admis”.
J’ai passé des heures à essayer de comprendre cette mystique prose délicatement concoctée par l’Administration.
Et vous savez quoi ?
Plus je tentais des trucs pour essayer de solutionner les choses de mon point de vue, plus ça générait d’anomalies en cascade.
L’enfer.
Jusqu’à ce que je capitule et que je fasse reset.
Que je reparte de ce que disait la phrase, sans chercher à comprendre son sens, en acceptant qu’elle en ait un, mais que je n'y comprends rien - pour le moment ; en suivant les indices juste pour que ça marche, un peu comme une ésotérique carte au trésor.
Visiblement il se passait un truc en S21.G00.78.005 qui ne collait pas avec S21.G00.70.012.
Et ce fut le début du voyage en paramétrage de DSN que je vous épargne, mais qui fut plié montre en main en moins d'1 heure (j’y avais passé jusque là l'équivalent d'une journée 😱).
Cerise sur le gâteau, j’ai même fini par comprendre ce qu’était S21.G00.78.005, S21.G00.70.012 et tous les zoulous de la bande à DSN qui me causaient du mouron.
La chance du débutant ? Peut-être.
L’épiphanie par subject-centricity ? Carrément mes amis.
Je ne dis pas que c’est la seule manière d’apprendre, loin s’en faut, tant il y a de manières d’être en contact avec le réel et de l'appréhender.
Il y a quelques temps, j'ai appris grâce à un client bien inspiré ce jour-là que j’étais sans doute du type kinesthésique.
KinestéWhat ?
Dans la famille des profils, j’appelle les profils d’apprentissage.
Parmi ces profils, on compte notamment les auditifs, les visuels et les kinesthésiques donc.
Les premiers retiennent et donc apprennent mieux ce qu’ils entendent, les seconds capitalisent sur leur mémoire visuelle et les derniers – comme bibi – ont plutôt une mémoire du geste et de l’action et vont donc mieux retenir en faisant.
Dans mon cas, cela marche bien, en effet, quand je fais concrètement (conduire une bagnole, paramétrer un logiciel, fabriquer un ours en peluche, j'en passe et des meilleures), mais avec une subtilité de taille : je mets en mode veille mon cerveau qui sait tout mieux que tout le monde et qui veut tout bien comprendre le pourquoi du comment.
Des fois on comprend mieux quand on ne comprend pas tout de suite, comme dans un bon film à suspens, on accepte de se laisser mener par le bout du nez sans être bien certain de ce que cela va donner ni où cela va mener.
C’est une sorte d’abandon ou plutôt de totale confiance, non pas en l’autre ou en la chose qui ne feront pas nécessairement d’efforts pour se rendre plus intelligibles, mais en ses propres ressources personnelles profondes.
Comme quand on était bébé.
Ces ressources qui nous ont permis d’apprendre à parler notre langue maternelle en à peine 10 mois, sans aucune leçon, sans professeur, juste en nous imprégnant de notre environnement et en interagissant avec lui.
Celles qui nous ont permis de nous mettre debout sur nos deux jambes et d’oser aller explorer le vaste monde autour de soi.
Celles qui nous ont permis de devenir des êtres de culture, apprenant selon les latitudes à manier la fourchette ou plutôt les baguettes.
De là à dire qu’il y a quelque chose de primal et d’instinctif dans l’apprentissage, il n’y a qu’un pas.
Celui de la vie qui nous pousse à régulièrement aller vers ce que l'on n’est pas et vers ce qu’on ne sait pas.
Comme s’il suffisait d’ouvrir et de tendre la main pour se saisir de ce qu’on désire à-prendre.
Et tant pis, ou peut-être tant mieux, si la main d'en face peut avoir l'air bizarre de prime abord.
L'important est d'y aller, de se mettre en mouvement, ce ne sont pas nos neurones qui nous le reprocheront, bien au contraire !